Ouvrons le don et l’autoconservation de gamètes à tous les Centres !
Tribune relative à la nouvelle loi de Bioéthique
La révision de la loi de Bioéthique de 2021 a été une occasion pour la France d’ouvrir un certain nombre de droits, plus d’une décennie après de nombreux pays européens. C’est ainsi que l’Assistance Médicale à la Procréation (AMP ou PMA), avec don de spermatozoïdes, via l’insémination intra-utérine (IIU) ou la fécondation in-vitro (FIV), qui sont les 2 techniques de PMA possibles, a été autorisée à l’automne 2021 aux couples de femmes et aux femmes non mariées. Il en a été de même pour l’autoconservation dite « sociétale » des ovocytes et des spermatozoïdes.
Malheureusement, ce droit que les femmes homosexuelles et célibataires ont attendu pendant une décennie de promesses non tenues est difficile à concrétiser. Les délais annoncés pour la PMA avec don de spermatozoïdes varient en fonction des Centres de don de 6 mois à 3 ans et rendent difficile la prise en charge de la majorité des femmes sur le territoire national, et ce malgré l’engagement tenu du Ministère de la Santé sur les moyens débloqués pour sa mise en œuvre et la campagne de communication réussie menée par l’Agence de la Biomédecine (ABM). Cette situation unique dans le monde occidental, que connaissait déjà les couples hétérosexuels suivis pour une infertilité masculine sévère, notamment en cas d’absence de spermatozoïdes, est difficilement acceptable.
Les femmes qui ont besoin de spermatozoïdes de donneur ou qui souhaitent bénéficier d’une autoconservation dite « sociétale » de leurs ovocytes, sont encore nombreuses à se rendre à l’étranger pour pouvoir bénéficier d’une prise en charge dans un délai décent, et éviter ainsi une perte de chance. L’anonymat imposé aux receveuses et receveurs est
également un motif très fréquent de recours à des soins à l’étranger. Ainsi les personnes qui souhaitent avoir des informations sur le donneur ou encore le rencontrer ne pourront le faire en France. L’accès aux origines institué par la révision de la Loi, disposition actée mais dont la date d’opposabilité prévue dans un décret n’est toujours pas connue, n’a pas modifié cet état de fait. Cela étant dit, les délais à la parentalité imposés dans le cadre du don de gamètes en France depuis plusieurs décennies apparaissent comme le problème majeur qui n’a malheureusement pas été pris en compte par le législateur malgré les nombreuses alertes des associations de patientes et des professionnels de la PMA.
Les Centres de PMA, quel que soit leur statut juridique, dépendent de la vingtaine de Centres de don existant sur le territoire national pour la mise en place de l’ensemble des tentatives d’inséminations et de fécondations in-vitro lorsqu’un don de spermatozoïdes est nécessaire. Les Centres de PMA, qui ne sont pas également centres de don, pourtant compétents et soumis à la même réglementation, n’ont en effet ni le droit de collecter et d’organiser le don de spermatozoïdes, ni d’importer des paillettes de l’étranger. Ce monopole de fait consécutif à la Loi et aux usages, est corrélé à des délais intolérables dans le désir de parentalité, à des prises en charge éloignées géographiquement tant pour les donneurs et donneuses que pour les couples et les femmes qui en bénéficient, et à des disparités territoriales significatives.
En refusant l’ouverture des Centres d’AMP privés, qui font déjà la moitié des PMA en France, à l’autoconservation et au don de gamètes, le législateur n’a pas fait preuve de discernement. On mesure aujourd’hui les conséquences directes de ces choix sur les délais d’attente. Certains projets sont « au mieux » reportés, au pire éconduits.
C’est pourquoi nous, professionnels et associatifs, demandons que :
- TOUS les Centres de PMA, publics comme privés puissent être autorisés à toutes les activités de don et d’autoconservation de gamètes ; il est important que le Parlement corrige sa copie sur ce point dès cette année et que les ARS soient rapidement moteurs dans les autorisations délivrées ;
- Le Ministère de la Santé et les ARS aient les moyens de garantir un égal accès aux femmes à la PMA quels que soient leur statut matrimonial et leur orientation sexuelle, dans le respect des textes, ainsi que la disparition des « parrainages » et de l’imposition de l’appariement dans la gestion du don ;
- Soit instituée, sous l’égide du Ministère de la Santé et de l’ABM, une Journée nationale des donneuses et des donneurs de gamètes et que les campagnes d’appel au don de gamètes continuent d’être diffusées auprès des acteurs de la vie sociale (associations, syndicats, fédérations sportives…), auprès des acteurs de la vie publique (pompiers, militaires, personnel médical et paramédical, fonctionnaires…), et du grand public.
1ers signataires professionnels :
Dr. Mikaël AGOPIANTZ, Médecin de la reproduction, Nancy
Dr. Silvia ALVAREZ, Médecin de la reproduction, Paris
Dr. Lionel BARRAND, Biologiste médical, Strasbourg
Pr. Thomas FREOUR, Biologiste de la reproduction, Nantes
Pr. Michaël GRYNBERG, Médecin de la reproduction, Clamart
Dr. Mélanie LE CHATTON, Médecin de la reproduction, Lyon
Dr. Brieuc LEFAURE, Biologiste de la reproduction, Epinal
Dr. Nathalie MASSIN, Médecin de la reproduction, Créteil
Pr. Olivier MOREL, Gynécologue-Obstétricien, Nancy
Dr. Géraldine PORCU, Médecin de la reproduction, Marseille
1ers signataires associatifs :
Mme Céline CESTER, pour Les Enfants d’Arc en Ciel – l’asso !, Présidente
M. Frédéric LETELLIER, pour Don de gamètes solidaire, Président
M. Alexandre MERCIER, pour PMAnonyme, Président
Mme Larissa MEYER, pour R2F (Réseau Fertilité France), Présidente
Mme Laëtitia POISSON DELEGLISE, pour MAIA, Présidente
Mme Virginie RIO, pour le Collectif BAMP, Présidente
M. Alexandre URWICZ, pour l’ADFH (Association des Familles homoparentales), Président